Quand les walking simulators ont gagné en traction au début des années 2010, les joueurs se sont rapidement demandés s’ils étaient véritablement des jeux, et les détracteurs n’ont pas hésité à répondre par la négative pour justifier leur mépris. The Stanley Parable s’est néanmoins glissé hors de cette controverse, connaissant un succès unanime auquel ses prédécesseurs, Dear Esther et Gone Home n’ont pas eu le droit. Pourquoi ? C’est ce que nous nous étions demandés lors d’un épisode de la baladodiffusion Profil Ludique. Nous avions alors comparé The Stanley Parable à un agent double : avec ses blagues réservées aux amateurs de jeux vidéo, son combat symbolique entre Stanley et le narrateur, entre le jeu libre et le récit ordonné, il a réussi à convaincre les gamers qu’il était de leur côté, dissimulant sa véritable nature de walking sim. C’était là l’une des nombreuses ironies restées inaperçues dans la réception du jeu.
Presque dix ans plus tard, comme s’il voulait que son commentaire frappe la cible de plein fouet, The Stanley Parable: Ultra Deluxe penche vers un style d’humour grinçant, s’assurant de proposer des scénarios encore plus arbitraires et de prolonger ses blagues jusqu’au malaise. Son ton acerbe vise toutes les sphères du jeu vidéo : les franchises malhonnêtes et leurs conceptions bidons du progrès, l’obsession des gamers pour la nostalgie, l’autorité dont ils se prévalent en tant que fans sur la direction d’un sequel, leur insignifiant besoin de satisfaction et j’en passe. Bien que toujours aussi volubile, le narrateur ne fait pas que montrer les dents; il mord, car c’est par la blessure que l’ironie fait son chemin. Ce faisant, la réédition du jeu semble prendre ses distances par rapport à la culture vidéoludique, s’en désaffilier plutôt que d’en faire partie en jouant gaiement avec les codes. Le masque est donc tombé. L’agent double a révélé son identité.

Reviewed on May 11, 2023


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