Le génie d'outer wilds est d'avoir poupée-russisé son intrigue et d'avoir décidé que ça serait son game-design.

Cette logique est simplissime. Tout a été dicté par cette philosophie.

Le lieu et l'environnement ne comptent pas, Le level-design est mis en parallèle à l'intrigue. Quand on est en surface d'une planète, on touche aux contours de l'histoire. Quand on est au coeur des choses, dans Outer wilds, on l'est physiquement et intellectuellement. Que les corps célestes de son univers soient tous des donjons aux ambiances variées et aux énigmes uniques ne compte pas réellement. On pourrait faire Outer wilds sans l'espace.

Car le jeu offre un open world dénué des défauts qui semblaient inhérents au genre. Pas de statistiques. Donc pas de problème d'équilibrage, ou de progression. Pas de power-up, ce qui permet de réfléchir aux énigmes sans être parasité par des pensées annexes. On sait que ce n'est pas un booster amélioré qui nous permettra d'atteindre le haut de cette foutue tour délabrée. On réfléchit. Les développeurs éparpillent par ordre d'importance les indices qui se croisent et se recroisent. Et.... C'est tout ?

C'est une structure géniale, et à bien des égards, la trouvaille de la décennie. On peut la répéter à l'infini, à la from software. On change la présentation, 5% du gameplay et si on le fait avec finesse, faire GOTY tous les 3 ans. Ils ont compris en profondeur la structure qu'ils avaient mis au point. C'est pour cela qu'Echoes of the Eye est aussi différent mais excellent de la même manière.

Forcément, ça demande une bonne histoire et de la délicatesse pour savoir intriguer le joueur. La première fois qu'on lance Outer Wilds, ça peut être pour une multitude de raison. La deuxième fois, c'est pour répondre à nos questions. Si le cerveau se prend dans l'engrenage, le tour est joué. On réfléchit à percer le secret d'une planète, en chemin, on voit une ruine inconnue. Certains changent d'objectif, d'autres s'obstinent. A chacun ses objets de curiosité. Pourtant, nous finissons tous frustrés à un moment où à un autre.

La loop intervient alors, prévenant l'usure. Même quand elle nous frustre, elle remet les pendules à l'heure. On va chercher un verre d'eau, on lit son journal de bord, on a une nouvelle idée. C'est élégant. Toutes les 20 minutes, soit on nous propose d'arrêter de jouer, soit de mettre au clair nos idées, soit de foncer vers l'objectif que vous étiez sur le point de découvrir.

Là ou je respecte Outer wilds est d'avoir l'intelligence de sa structure sans renier son medium. Parce qu'il était facile de tout laisser reposer sur l'excellence des énigmes et de l'intrigue. Faire un jeu pour les fans de romans.

Il y a un respect du jeu-vidéo dans le fait d'avoir laissé autant d'angles de frustrations mécaniques. Pilotage du vaisseau, catastrophes naturelles, des fenêtres de timing précises, soft horreur, angoisses existentielles, les limitations d'oxygène et de gaz de propulsion. Le monde est un obstacle qu'il faut réussir à parcourir en tant que joueur. Mécaniquement il est punitif. Outer wilds prends des partis pris qui pourraient rebuter des joueurs. C'est un jeu qui se fait parfois dans la douleur, c'est pour ça qu'on ne l'oublie pas.

Je respecte aussi d'avoir permis une marge de roublardise dans la résolution de ses énigmes. A l'adresse ou à l'instinct. En tirant parti de l'excellente physique du jeu, on peut glisser son vaisseau à certains endroits, user de son jetpack et de la gravité à d'autre, pour atteindre des lieux sans en résoudre les énigmes. Il y a toujours une solution qui ne requiert aucune capacité mécanique. Mais quand on a pas de tête, parfois, on a des mains.

Voilà, pourquoi Outer Wilds est un jeu important, selon moi. (SPOILERS)

Maintenant, soyons honnête, on ne pense pas à tout ça en jouant au jeu. On pense à ce foutu laboratoire que l'on essaye de rejoindre. Au sublime panorama que nous offre la passerelle d'une station proche du soleil. À cette musique mélancolique qui grésille quand on est entouré de quelques cadavres d'êtres-vivants dont on a lu les tweets. Partout, la mort. La musique grésille, parce que tout finit par casser. Tout meurt. Alors pourquoi pas elle ?

Chert, l'astronaute et astronome présente sur la sablière rouge, se rend compte avant vous que tout finit par mourir. Panique, désespoir, colère. Puis l'apaisement. L'évolution des dialogues sur ces quelques minutes me touche. C'est bien écrit. C'est plus grand que nous. Avec ce que l'on sait, dans la boucle, on a envie de lui taper sur l'épaule. Lui dire que de toute manière, dans quelques minutes ça redémarre. Que ça n'a pas d'importance. Pourtant c'est elle qui est dans le vrai. On ne considérait plus la masse rouge au dessus de nous comme une menace. On ne la regarde plus. Pourtant, après avoir lu ses lignes, on ne peut pas reprendre notre route et l'ignorer cette fois.
Cette fois là, on s'arrête. On s'arrête et on regarde la fin de nos systèmes.

On sort appaisé de la fin d'outer wilds. Malgré les angoisses et les frustrations, le jeu sait partir avec grâce. Je pensais qu'on sauverait le monde. Mais ça aurait voulu dire que le jeu était à propos de nous. Les tornades, les trous noirs et les supernovas ne s'opposent pas à nous par principe. Il n'y a rien de personnel dans une tempête de sable. Personne ne veut notre mort. Personne ne s'attend à quoi que ce soit. On était les seuls à s'attendre à quelque chose.

De toute manière, les nomaïs et leur plan extraordinaire ont été balayés par le hasard. A quoi s'attendait-on ?

C'est ce même hasard qui nous emmène à témoigner de leur passage et du notre.

Car les évènements qui nous dépassent ne rendent pas nos vies insignifiantes

Puisque nous sommes toutes les personnes que nous avons rencontrées, tous les lieux que nous avons explorés.

Alors c'est sur que l'extinction des civilisations, l'infini du cosmos et les menaces désincarnées de la nature, ça peut paraître un peu froid. Que l'histoire du DLC a plus de chaleur et qu'en étant plus concerné on le vit plus intensément. Peut-être que la réduction de la surface du jeu gagne en rythme. Que l'audace dans la dissimulation de ses mécaniques brille plus dans Echoes of the Eye.

Mais par respect d'avoir élaboré sa structure sans égale à ce jour, je voue au jeu de base, un respect infini.

Si je pouvais, j'y rejouerai encore. En attendant, je regarde mes amis prendre des chemins différents sur des planètes familières, découvrant le meilleur jeu au monde.

Reviewed on Mar 30, 2024


Comments