En règle générale, chaque opus d’une série de jeux vidéo propose un nouveau lieu à explorer. The Elder Scrolls en est un bon exemple : chacun des jeux de la série est sous-titré par l’une des régions du continent de Tamriel. Jouer à Skyrim, c’est jouer dans le paysage nordique qui le caractérise et n’existe pas dans Morrowind ou Oblivion — à ma connaissance, du moins. Il est de même pour les suites, comme Psychonauts, qui se déroule d’abord au camp de vacances où le jeune Raz pratique ses habilités psychiques, puis dans les quartiers généraux de l’agence éponyme, le personnage jouable ayant monté dans les échelons depuis ses prouesses de l’opus initial. Une suite en jeu vidéo implique habituellement de reprendre des mécaniques fondamentales à la série afin de les recontextualiser spatialement. Mêmes pouvoirs, mêmes habiletés, mais un nouveau monde à explorer, un nouvel effort à cartographier l’environnement, à tâter ses extrémités, à intérioriser ses chemins et ses secrets.

C’est justement ce rapport à l’espace qui fait de Tears of the Kingdom une suite intéressante. Au lieu de nous projeter dans un univers déroutant, le jeu partage essentiellement la carte de son prédécesseur, Breath of the Wild. On y retrouve les mêmes régions, villages, points de repère, là où ils étaient dans l’opus d’avant. Tears of the Kingdom n’apparaît pas comme une suite ordinaire, faite dans les conventions, et ce malgré l'aspect inédit de sa structure verticale, incluant des îles flottantes et un vaste réseau souterrain. À peu près tout ce qui se cache entre ces deux couches verticales a été retenu. De parcourir les plaines d’Hyrule procure donc une expérience particulière. Il ne s’agit pas d’une inquiétante étrangeté, mais d'un sentiment de déjà vu. Le souvenir inexact de Breath of the Wild surgit à tout moment. On pense reconnaître quelques éléments du décor modifiés ici et là. On perçoit les monstres et les personnages familiers se tenir à des endroits décalés. À vrai dire, Tears of the Kingdom ressemble plutôt à une version remixée de son prédécesseur. Il donne la vague impression de connaître son monde et finit par nous étonner avec d’habiles ajouts et substitutions. C’est à se demander si nous avons véritablement affaire à une suite.

Reviewed on Jun 20, 2023


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